Erving Goffman: La Dramaturgie Sociale et la Gestion des Impressions

Erving Goffman, sociologue canadien né en 1922, est l’un des penseurs les plus influents du XXe siècle․ Sa théorie de l’action sociale, développée dans ses nombreux ouvrages, a profondément marqué les disciplines de la sociologie, de l’anthropologie et de la psychologie sociale; Goffman s’est intéressé à la manière dont les individus interagissent dans les situations sociales, mettant en lumière les mécanismes complexes qui sous-tendent la construction de l’identité, la gestion des impressions et la négociation des relations sociales․

La dramaturgie sociale ⁚ une métaphore pour comprendre l’interaction

Goffman utilise la métaphore du théâtre pour analyser les interactions sociales․ Il voit les individus comme des acteurs qui jouent un rôle sur une scène, s’adaptant à leur public et cherchant à projeter une image de soi positive․ Cette “dramaturgie sociale” implique une série d’éléments clés ⁚

• La scène ⁚ Le lieu physique où se déroule l’interaction, avec ses caractéristiques et ses contraintes․ Par exemple, un bureau, un restaurant ou une rue․
• La coulisse ⁚ L’espace privé où les individus se préparent à leur rôle et se relâchent des contraintes de la scène․ C’est là qu’ils peuvent se montrer plus spontanés et authentiques․
• La face ⁚ L’image que l’individu souhaite projeter aux autres, son “moi social”․ La face peut être positive ou négative, et elle est constamment négociée au cours de l’interaction․
• Les rituels sociaux ⁚ Les conventions et les normes qui régissent les interactions, permettant de maintenir l’ordre et la cohésion sociale․ Par exemple, les salutations, les formules de politesse ou les codes vestimentaires․

La gestion des impressions ⁚ un jeu subtil de manipulation

Goffman soutient que les individus sont constamment engagés dans une “gestion des impressions”․ Ils cherchent à contrôler les informations qu’ils transmettent aux autres, afin de créer une image de soi favorable et d’obtenir une réaction positive․ Cette gestion des impressions implique des stratégies variées, telles que ⁚

• La mise en scène ⁚ L’utilisation de l’environnement physique et des objets pour créer une impression particulière․ Par exemple, un bureau bien rangé peut suggérer l’organisation et la compétence․
• Le discours ⁚ Le choix des mots et des expressions pour transmettre un message précis et influencer la perception des autres․ Par exemple, utiliser un langage formel dans un contexte professionnel․
• Le comportement non verbal ⁚ Les expressions faciales, les gestes, la posture et le ton de la voix, qui peuvent révéler des émotions et des intentions․
• La manipulation des informations ⁚ La sélection et la présentation stratégique d’informations pour contrôler l’image que l’on projette․

Les rôles sociaux ⁚ des scripts pour l’interaction

Goffman analyse également les rôles sociaux, les ensembles de comportements attendus d’un individu dans une situation donnée․ Chaque rôle est associé à un ensemble de normes et de valeurs, qui définissent les actions acceptables et les comportements attendus․ Les rôles sociaux sont souvent appris par l’observation et la socialisation, et ils peuvent être modifiés au fil du temps․ Par exemple, le rôle de l’étudiant diffère de celui du professeur, et le rôle d’un père de famille diffère de celui d’un ami․

La déviance ⁚ une violation des normes sociales

Lorsque les individus ne respectent pas les normes sociales et les rôles attendus, ils sont considérés comme déviants․ Goffman s’intéresse aux mécanismes de stigmatisation et d’exclusion sociale qui s’appliquent aux déviants․ Il analyse comment les individus tentent de gérer leur “stigmate” et de préserver leur identité sociale, malgré les obstacles qu’ils rencontrent․

La construction sociale de la réalité ⁚ une perspective interactionniste

Goffman s’inscrit dans une perspective interactionniste, qui met l’accent sur la construction sociale de la réalité․ Il soutient que la réalité n’est pas une donnée objective, mais qu’elle est créée et négociée au cours des interactions sociales․ Les individus, à travers leurs actions et leurs interprétations, contribuent à façonner la réalité sociale․

L’influence de Goffman sur la sociologie

La théorie de l’action sociale d’Erving Goffman a eu un impact considérable sur la sociologie et les disciplines connexes․ Ses travaux ont contribué à développer des domaines de recherche importants, tels que ⁚

• La microsociologie ⁚ L’étude des interactions sociales à petite échelle, en mettant l’accent sur les détails et les nuances du comportement․
• L’analyse qualitative ⁚ L’utilisation de méthodes de recherche qualitatives, telles que l’observation participante, l’analyse de documents et les entretiens, pour comprendre les interactions sociales․
• L’analyse conversationnelle ⁚ L’étude des conversations et des échanges verbaux, en s’intéressant aux structures, aux règles et aux significations qui sous-tendent les interactions verbales․
• L’ethnométhodologie ⁚ L’étude des méthodes et des techniques que les individus utilisent pour comprendre et interpréter le monde social․

Conclusion ⁚ un héritage durable

Erving Goffman est un penseur majeur de la sociologie contemporaine․ Sa théorie de l’action sociale, avec son approche dramaturgique, a permis de comprendre les mécanismes complexes qui sous-tendent les interactions sociales․ Ses travaux ont inspiré de nombreux chercheurs et continue de susciter des débats et des réflexions sur la nature de la réalité sociale, l’identité, la communication et la construction de soi․